Les enjeux du reboisement par Robin Duponnois, microbiologiste

Pour clore notre série d’interviews sur le reboisement, nous avons contacté Robin Duponnois qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions.

Robin Duponnois est microbiologiste et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Il dirige l’équipe « Symbioses et résiliences écosystémiques » au Laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes de Montpellier. Il est l’auteur chez IRD « Des champignons symbiotiques contre la désertification » et a participé à l’ouvrage collectif « La Grande muraille verte ».

 

1. Que pensez-vous de l’importance des programmes de reboisement et à quels défis répondent-ils ?


- Il y a le côté environnemental : l’arbre en tant que tel protège de manière durable la qualité et la santé des sols. Il les protège contre l’érosion hydrique et éolienne. Il favorise aussi les flux de nutriments qui vont bénéficier à la fertilité du sol et à la couverture végétale en dessous. De plus, il capte le CO2 et contribue de ce fait à atténuer le changement climatique.
L’arbre est très résistant à tous les aléas climatiques. En cas de grosse pluie par exemple, il limite le décapage de la surface du sol, la couche la plus fertile, et évite ainsi un appauvrissement du sol. La forêt va apporter une certaine résistance à ces mouvements physiques.

Les arbres, le reboisement, permettent de sauvegarder la surface des sols sur la planète et de remédier aux défis liés à l’urbanisation.  

 

- L’arbre est également une ressource pour la biomasse et les produits non ligneux (champignons, arbustes à production d’huiles, etc.). Il fournit aussi un nombre incalculable de services écosystémiques.
et en termes de ressources pour la biomasse,


- Par ailleurs, l’arbre est un bien culturel.

 

Campagne de reboisement de mangroves par notre ONG LIFE, Indonésie, 2023

2. Quelles stratégies favorisent la réussite d’un projet de reboisement ? 


Il faut tout d’abord prendre en compte l’état initial du secteur visé. Si un sol est nu, vous allez planter. Si vous avez une forêt âgée, un peu dégradée, vous allez pouvoir utiliser ce qui a survécu comme source de matière organique, de micro-organismes qui vont aider les jeunes repousses. Il s’agit alors ici de la régénération naturelle assistée ou RNA. Cette méthode facilite le processus naturel de repousse des jeunes arbres forestiers.

3.  Faut-il choisir des espèces indigènes pour les projets de reboisement ?


Les espèces indigènes sont caractérisées souvent par des croissances lentes et sont donc largement négligées (je parle pour continent africain). Elles sont par contre très résistantes aux conditions environnementales rencontrées. Elles ont été remises au goût du jour dans le cadre de la plantation de la grande muraille verte en Afrique en particulier. L’acacia Sénégal ou gommier blanc, le dattier du désert par exemple y ont été privilégiés.  

Plants de bambous dans une zone d’adaptation avant plantation par notre ONG LIFE, Indonésie, 2023

4. Pourquoi la plantation massive d’arbres pour lutter contre le changement climatique n’est-elle pas idéale ? 


La monoculture d’arbres est une mauvaise pratique. Il y a plein d’exemples qui le démontrent, notamment pendant la 2e partie du 20e siècle avec la création des ceintures vertes ou des barrages verts. Ils ont été réalisés avec une seule essence, souvent des provenances bien sélectionnées avec comme caractéristique une grande vitesse de croissance, ou des arbres exotiques. Cela peut rapidement devenir catastrophique si un pathogène s'y loge. La plantation ne survit pas à l’instar du grand barrage vert algérien qui avait misé sur une monoculture de pin d’Alep dans les années 1970. Il vaut mieux favoriser une plantation polyspécifique avec des complémentarités. On peut par exemple associer des feuillus avec des légumineuses arborées qui jouent le rôle d’arbres fertilisants.

5. Quelle influence les populations locales ont-elles sur la durabilité des projets de reboisement et comment les engager ?


Les populations locales doivent comprendre l’intérêt de préserver les arbres, notamment en matière de production qu’ils peuvent leur apporter, et de plus-value financière.  

L’idéal est de donner des plants aux gens qu'ils doivent en retour protéger et entretenir. Le problème souvent rencontré est l’opposition entre les gérants des plantations forestières et les éleveurs de bétail. Par exemple au Maroc, les chèvres vont brouter les jeunes pousses d’arganier… La mise en défend des plantations ne marche pas. Pour arriver à un résultat, les populations doivent voir l’intérêt financier de l’opération. L’argument environnemental ne pèse pas. Ici, ce sera pour eux la vente de l’argan !

Notre ONG LIFE avec les villageois lors d'une campagne de reboisement, Indonésie, 2023

5. Quels enseignements peut-on tirer des échecs ou des difficultés rencontrées dans les projets de reboisement, et comment peuvent-ils orienter les futures stratégies ?


Les échecs en tant que tels ont été compris, notamment le problème des plantations monospécifiques (à part les plantations commerciales). En Chine, la grande muraille verte, la plus grande plantation forestière artificielle du monde, a aussi trouvé une solution pour s’en sortir. Elle intègre tout un ensemble d’activité comme de l’écotourisme. Elle est devenue une vitrine de l’innovation, de l’irrigation raisonnée, de ce qui fait qu’une plantation soit durable, plus stable.

Il ne faut en aucun cas choisir des essences exotiques à croissance rapide (acacia, eucalyptus), et opter pour la monoculture. Il faut prendre en compte l’avis du sol. Il n’est pas un simple support physique, un réservoir de nutriment. Pour avoir une qualité de sol susceptible de porter un couvert végétal dense durablement et bien portant il faut des approches, des techniques permettant de gérer tout ce qui est micro-organismes. Ce sont ces derniers qui vont participer aux cycles géo-biochimique qui régissent la fertilité de ce sol au niveau chimique, microbiologique et physique.

6. Pourriez-vous nous expliquer les avantages de l’agroforesterie en termes de préservation du couvert forestier ?


Tout d’abord, ce système permet de profiter des propriétés de l’arbre en favorisant les flux profonds vers la surface, les apports en matière organique, les flux d’éléments nutritifs comme l’azote, le phosphore. Et ceci est notamment le cas avec les arbres de type légumineuses. De plus, les arbres hébergent des oiseaux qui vont également fertiliser les sols. Il faut mentionner aussi l’intérêt de la ressource propre de l’arbre. Les acacias au Sénégal sont par exemple source de gomme arabique. Par ailleurs, dans un parc agroforestier, on assiste à un partage de l’activité des micro-organismes entre la plante cultivée et l’arbre. L’arbre fait souvent figure de réservoir de micro-organismes qui vont être utiles à celle-ci.

Les villageois conçoivent des objets à vendre avec les bambous plantés par notre ONG LIFE, Indonésie, 2023

7. Comment les programmes de reboisement peuvent-ils être intégrés dans des stratégies plus larges de lutte contre le changement climatique ?


Avec la revégétalisation urbaine ! De tels programmes sont relativement faciles à mettre en œuvre et permettent de faire baisser la température en été. On peut citer comme exemple la ville de Lyon, ou de Marseille, avec la réhabilitation de friches industrielles. Pour un programme de plus grande envergure, il y a la grande muraille verte de Chine.


8. Quels sont les éléments clés d’une collaboration réussie entre les gouvernements, les ONG et le secteur privé dans le domaine du reboisement ?


Que tout soit piloté à travers un programme basé sur des connaissances scientifiques de type botanique, pédologique, microbiologique, mais aussi des sciences sociales et humaines. Si le projet est construit en faisant référence à ces connaissances ça peut donner des résultats très intéressants.

Dans tous les cas, il faut que les conditions et besoins locaux soient pris en compte, c’est la base de tout.
Par ailleurs, actuellement, des entreprises proposent des innovations qui participent activement à la réussite des opérations de reboisement. Morfo, startup parisienne, permet par exemple de faire du semis direct par drone. La société Biomanity située à Toulouse met en avant des techniques pour la production de surfactants biosourcés qui absorbent l’eau et la déchargent dans le sol de manière progressive. Ils évitent le gaspillage de cette ressource vitale et précieuse.

 

Vous voulez participer à des campagnes de reboisement durable qui contribuent à l’autonomisation des populations locales ? Rejoignez-nous avec SAPOUSSE !

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